Des ami-e-s qui ne partagent pas les mêmes valeurs, et donc?

Its sad when people you know become people you knew.

Je trouve que j’ai mis assez, peut-être trop, de temps à trouver qui j’étais et qui je voulais être.

Encore aujourd’hui sur certains points je tâtonne, je me questionne, je me sens sur un sol mouvant, mais globalement, la base est là. Je suis sûre de qui je suis, d’où je vais, et j’arrive à ce stade où je commence à regarder derrière moi non pas en ayant honte de certaines choses stupides que j’ai pu dire ou faire, mais avec indulgence, presque attendrissement envers la mini/ado/jeune adulte paumée que j’ai été.

Si je me suis vue grandir et m’affirmer de manière assez folle ces deux dernières années, il y a une chose qui a toujours été extrêmement compliquée pour moi et qui continue à l’être, c’est de continuer à fréquenter des proches, des ami-e-s qui n’évoluent pas de la même manière que moi et qui ne comprennent pas mes combats.

C’est extrêmement frustrant car on ne peut pas forcer les gens à adopter un point de vue, et quand il s’agit de personnes que l’on estime et que l’on apprécie, la déception n’en est que plus amère.

Ce qui est particulièrement dur, c’est que mes idées et mes combats sont aujourd’hui profondément liés à mes valeurs, et fréquenter des gens qui ne comprennent pas, s’en foutent ou ne partagent pas mon avis, c’est fréquenter des gens qui n’ont pas les mêmes valeurs que moi et… je ne suis pas sûre d’être suffisamment tolérante pour pouvoir être proche de telles personnes.

Je n’arrive pas, ou plus, à me dire qu’on peut y trouver son compte en fréquentant quelqu’un de radicalement opposé à soi-même. C’est peut-être une erreur. Longtemps j’ai plutôt fait partie de la team de ceux-celles qui sont ravi-e-s de côtoyer des gens différents, avec qui il est possible de débattre, d’argumenter, de s’enrichir.

Mais finalement, quel est le but d’éternels combats qui tournent en rond, qui finissent par sentir le réchauffé et qui se déroulent presque sur mode automatique, à force?

Je ne sais pas ce qui est pire: continuer à voir des gens à qui l’on est profondément attaché-e-s mais qui se moquent de nos intérêts, de nos engagements, de nos convictions, et en être blessé-e-s en permanence tout en sachant que les choses ne changeront probablement jamais; ou tout simplement admettre que nos chemins se séparent ici, souffrir d’une rupture probablement douloureuse mais s’épanouir dans un milieu où l’on se sent plus à sa place.

C’est une interrogation qui m’a un peu ricoché en pleine face récemment, quand un ami avec qui je débattais d’un sujet féministe m’a laissé la parole en me disant d’un air blasé et absent « et bien vas-y, éduque moi, je t’écoute« . La claque. J’ai réalisé que nous faisions du débat pour le débat, et qu’au final, sûrs chacun de notre côté de ce que nous affirmions, aucun d’entre nous n’était disposé à céder d’un pouce, tout en accordant son temps de parole à l’autre, par amitié, par respect ou par je ne sais quoi. Tout ce que j’y ai gagné, c’est de la frustration de ne pas savoir le convaincre, de la colère de constater qu’un ami pouvait me sortir des propos aussi sexistes et de la tristesse de ressentir tout ça. Un mélange qui ne garantit pas forcément une bonne soirée, et que j’ai l’impression de ressentir bien trop souvent en fait.

Le problème c’est que ma réflexion de féministe peut surgir à n’importe quel moment, dans n’importe quel contexte. Vu la société dans laquelle on vit, tout ou quasiment est matière à étude, au débat. Ce n’est pas comme si j’étais une fervente défenseure de la langue bretonne, ou des culottes en coton ou de tout sujet qui a statistiquement parlant, très peu de chances d’atterrir dans une conversation random. La réflexion sexiste, la remarque déplacée, personne n’est à l’abri de la faire n’importe quand et j’arrive rarement à laisser passer sans réagir, d’autant plus quand il s’agit d’ami-e-s. Concrètement parlant, c’est un peu se flageller que de délibérément fréquenter des gens qui risquent de faire des réflexions qui vont me faire réagir, m’énerver, me blesser, même juste me faire tiquer.

Mais en même temps, comment renoncer à des personnes qui nous sont sincérement chères? Qui sont malgré tout toujours là et qui n’ont pour défaut que d’avoir eu une éducation, des fréquentations, une vie différente?

Je n’ai pas encore trouvé la réponse, et je suis présentement devant cette impasse, incapable de prendre une décision.